Droit & Gestion

Contester un permis de construire

Imaginez, vous rentrez de vacances et vous constatez qu’un joli panneau « Permis de construire » a été posé, en votre absence sur l’entrée du terrain qui jouxte votre jardin ou votre terrasse… Immédiatement, vous regardez précisément de quoi il s’agit et là vous découvrez qu’un promoteur immobilier va construire 35 logements sur 3 étages, à quelques mètres de chez vous ! Ce qui signifie que ces nouveaux habitants s’introduiront visuellement chez vous, que vous perdrez de l’ensoleillement et forcément que vous devrez accepter une baisse de valeur de votre bien immobilier.

Alors, que faire pour tenter de vous opposer à ce projet qui vous semble, à plus d’un titre, exagéré et inacceptable dans le paysage urbain de votre quartier ?

Le recours gracieux

Tout un chacun peut bien évidemment contester la validité d’un permis de construire mais il s’agit généralement des riverains qui sont directement impactés par les nouvelles constructions envisagées.

Le recours gracieux se fait à l’encontre de la personne morale qui a délivré le permis de construire, à savoir la commune qui l’a accordé : c’est un moyen administratif de lui demander de revoir sa décision. Le délai dont vous disposez pour effectuer ce recours est de 2 mois à compter de l’affichage du panneau sur le terrain et non à compter de la date de délivrance du permis de construire. Afin d’éviter les quiproquos, mieux vaut s’en tenir à la date de délivrance. Vous avez 15 jours à compter de la réception par la mairie de votre courrier, pour envoyer une copie de ce recours en RAR au bénéficiaire du permis de construire.

L’auteur de la décision, la mairie, a 2 mois pour vous répondre à compter du jour de présentation de votre courrier en RAR. Si elle garde le silence durant ce laps de temps, cela vaut décision implicite de refus de votre requête.

Le recours gracieux aura pour premier effet de proroger les délais de recours ouverts à l’encontre du permis de construire, de telle sorte que, à réception de celui-ci :

  • soit la commune rejette de manière expresse, avant l’expiration d’un délai de deux mois, votre recours gracieux, auquel cas vous disposez d’un nouveau délai de deux mois à compter de cette décision de rejet pour envisager la saisine utile du Tribunal Administratif;
  • soit la Commune ne se prononce pas explicitement sur votre recours gracieux dans le délai de deux mois de l’introduction de celui-ci, auquel cas elle sera réputée avoir rejeté implicitement votre demande dans un délai de deux mois, de sorte que vous disposerez d’un nouveau délai de deux mois pour saisir utilement le Tribunal Administratif à compter de la naissance de cette décision implicite de rejet.

Le recours gracieux est motivé par des éléments juridiques mais aussi par les différentes nuisances que vont subir les riverains, et plus généralement le secteur, du fait de la construction prévue. Mais attention, ces arguments des faits sont inopérants devant le Tribunal Administratif dès lors qu’ils ne procèdent pas des règles du Code de l’urbanisme.

Le recours gracieux a pour objectif de permettre une négociation, tant avec la collectivité qu’avec le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme.

Ce recours gracieux peut être fait sur papier libre directement par les requérants, mais ils peuvent aussi se faire aider par un avocat dont le coût pourra varier de 500 à 800 EUR HT selon le professionnel et la complexité du dossier.

Le recours contentieux

A ce stade de la procédure, la contestation du permis de construire ne doit porter QUE sur le non respect des règles d’urbanisme et du PLU (Plan Local d’Urbanisme). Les arguments tels que les nuisances sonores, la perte de jouissance ou la dépréciation de la valeur des biens des voisins ne sont pas recevables.

Il s’avère donc qu’un permis de construire peut être tout à fait légal mais causer de fortes nuisances au voisinage : pour autant, il ne sera pas annulé puisque les règles d’urbanisme ne sont pas bafouées. Cependant, ces règlementations sont tellement complexes que, bien qu’un particulier puisse introduire un recours auprès du Tribunal Administratif, il est fortement conseillé de faire appel aux services d’un avocat spécialisé en droit administratif, afin de mettre toutes les chances de son côté.

L’étude de la légalité du permis de construire, la vérification des moyens envisagés, et la rédaction d’une requête introductive par devant le Tribunal Administratif se chiffrent dans une fourchette de prix allant de 3.000 à 5.000 euros HT (ou plus si le projet est très complexe).

Quelles sont les chances d’obtenir l’annulation d’un permis de construire ?

Avant l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, le Tribunal Administratif prononçait en général l’annulation totale du permis de construire en présence d’un moyen d’illégalité quel qu’il soit (insuffisance de la notice, insuffisance des places de stationnement, difficulté d’insertion du bâtiment ou tout simplement une insuffisance d’espaces verts…) mais depuis le 19 août 2013, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, en application de l’article L 600-5 du code de l’urbanisme, l’annulation d’un permis de construire est désormais beaucoup plus difficile à obtenir.

Aujourd’hui, la juridiction peut prononcer l’annulation partielle du permis de construire, c’est à dire que le permis de construire est validé à l’exception de l’illégalité constatée de sorte que le titulaire du permis de construire peut entreprendre les travaux et régulariser l’illégalité par la suite. Les illégalités ainsi constatées doivent porter sur des éléments identifiables de la construction.

Il faut savoir également que le recours n’est jamais suspensif, même si dans la pratique, le bénéficiaire du permis attend en général la fin des procédures pour commencer ses travaux afin de ne pas avoir à démolir par la suite, si le Tribunal l’y contraignait.

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